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Jérôme Guedj
Question N° 9489 au Ministère du travail


Question soumise le 4 juillet 2023

M. Jérôme Guedj attire l'attention de M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur la dégradation progressive de la santé au travail. Aujourd'hui, la France se situe en haut du classement des pays européens en ce qui concerne les accidents au travail. Avec 3,5 accidents mortels du travail pour 100 000 personnes en emploi en 2019, le pays connaît un niveau 2 fois plus élevé que la moyenne européenne d'accidents mortels au travail, la moyenne européenne étant de 1,7 accidents mortels pour 100 000 personnes en emploi. Bien au-delà des morts au travail, la dégradation de la santé au travail que connaît la France a eu des impacts plus globaux sur le marché du travail, impactant directement la « compétitivité économique » du pays. Ainsi, le rapport de la Mutualité française de 2023 apprend que 91 % des actifs souffrent de difficultés de santé au travail ou encore que 39 % des Français considèrent que leur travail dégrade leur santé. En 2019, c'est 733 accidents mortels qui ont été dénombrés par le rapport de la Mutualité en France, soit l'équivalent de deux décès par jour. Par ailleurs, ce bilan de la santé au travail dans le pays apparaît d'autant plus lourd qu'il ne prend pas en compte les 283 décès professionnels ayant eu lieu lors des trajets entre le domicile et le travail sur la même période et les 175 personnes mortes de maladies professionnelles en 2010. En réalité, la dégradation de la santé au travail dans le pays est si importante que 5 à 10 % des travailleurs français sont aujourd'hui exposés, à court ou moyen terme, à un risque de désinsertion professionnelle important lié à leur état de santé ou à la présence d'un handicap. Mais au-delà des conséquences effectives sur la vie des concitoyens, la dégradation constante de la prise en charge de la santé au travail par l'État creuse toujours plus l'écart d'espérance de vie entre les professions. Ainsi, on ne ne peut que constater, via cette étude, qu'un cadre français dispose d'une espérance de vie supérieure de 6,4 ans par rapport à un ouvrier. Dans la même logique, le présent rapport explique que les ouvriers ont cinq fois plus de chance de connaître un accident du travail mortel qu'un cadre. Face à ces chiffres, il apparaît que la santé au travail est un problème profond qui touche durablement le pays depuis plusieurs années. Pourtant, la médecine du travail est actuellement la 4e spécialité médicale la plus âgée de France, laissant présager une crise de la médecine et de la santé au travail encore plus grave dans les prochaines décennies. Pourtant, au-delà même des risques à long terme du vieillissement de la médecine du travail, cette situation a d'ores et déjà des conséquences graves sur les vies des travailleurs du pays, avec 61 % des salariés du secteur privé qui n'ont pas pu bénéficier d'une visite de la part d'un service de la médecine du travail et 6 % des travailleurs qui n'ont purement et simplement jamais pu bénéficier de la moindre visite ou observation de la part de la médecine du travail au cours de leurs carrières. Cette absence problématique de prise en charge d'une partie des travailleurs du pays par la médecine du travail est particulièrement présente en ce qui concerne les travailleurs indépendants et les chefs d'entreprises français, avec alors près de 2,8 millions de concitoyens qui n'ont jamais pu avoir accès à un suivi médical de la part des services de la santé au travail pour l'année 2019. Cette mauvaise prise en charge par l'État de la santé au travail provoque, logiquement, un mal-être croissant des travailleurs sur le sujet. Ainsi, 52 % des actifs français disent aujourd'hui se sentir mal informés en ce qui concerne les différents aspects de la santé au travail. Pire, un Français sur deux dit actuellement que les entreprises du pays ne sont pas assez mobilisées sur le sujet de la prévention de la santé au travail. Sur ce point, conformément aux données de l'étude la Mutualité française, beaucoup d'entreprises reconnaissent elles-mêmes ne pas être assez impliquées en matière de prévention de la bonne santé au travail. En effet, seulement 43 % des dirigeants indiquent avoir mis en place au sein de leur entreprise une politique globale de prévention en matière de santé au travail. Pourtant, la dégradation de la santé au travail dans le pays apparaît d'autant plus incompréhensible que, pour chaque euro investi dans la santé et la sécurité au travail, les gains potentiels pour l'employeur sont d'environ deux fois plus élevés que le montant initial. Il apparaît donc que les politiques d'amélioration de la santé au travail sont à la fois viables économiquement et positives en ce qui concerne la réduction des inégalités d'espérances de vie dans le pays. Aussi, il souhaite savoir si le Gouvernement a prévu de mettre en place, très prochainement, une nouvelle politique ou stratégie d'amélioration de la santé au travail en France et si une feuille de route va être prochainement présentée aux représentants de la Nation afin que l'on puisse avancer, collectivement et sereinement, sur ce sujet si important pour la Nation.

Réponse émise le 12 septembre 2023

Depuis 2005, le gouvernement déploie des plans santé au travail, qui constituent la feuille de route partagée en matière de santé au travail et de réduction des risques professionnels. Le 4ème plan santé au travail (PST4), fruit d'un travail de co-construction entre l'État, les organismes de prévention et les partenaires sociaux, propose des actions sur les enjeux actuels de la santé au travail (développement d'une culture de prévention, promotion de la qualité de vie et des conditions de travail, mise en œuvre de la prévention de la désinsertion professionnelle, etc.). Il intègre de nouvelles thématiques (égalité entre les femmes et les hommes, nouvelles organisations du travail, impact du réchauffement climatique sur les conditions de travail). Le PST 4 s'accompagne par ailleurs pour la première fois d'un plan dédié à la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM). Ce plan propose 27 mesures ciblant les publics les plus vulnérables aux accidents du travail (jeunes, nouveaux arrivants, intérimaires, travailleurs détachés, etc.) et les risques prioritaires et émergents. Il prévoit à la fois la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la santé au travail, et la sensibilisation du grand public sur le sujet des accidents du travail graves et mortels. Il met en œuvre plusieurs leviers complémentaires telles que les actions de sensibilisation et de formation, le renforcement des mesures de prévention (surveillance du marché des équipements de protection et de sécurité, renforcement de l'évaluation des risques, etc.), et enfin le développement des outils de connaissance et de suivi des accidents du travail graves et mortels. Ces deux plans nationaux se déclinent également au niveau local, au travers des plans régionaux santé au travail (PRST). Ils portent des actions concrètes, adaptées aux réalités du territoire et impliquant un grand nombre d'acteurs locaux. L'activité du système d'inspection du travail est également importante pour contrôler le respect du droit en matière de conditions de travail. Une part significative des contrôles effectués par les inspecteurs du travail porte sur des priorités d'action visant à prévenir les risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs. Par ailleurs, les difficultés en matière de démographie des professionnels de santé au travail sont connues et font l'objet de mesures dédiées, portées à la fois par le ministère de la santé et de la prévention et par le ministère du travail. Dans ce champ, plusieurs dispositifs issus de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail et de ses décrets d'application apportent une réponse à la diminution du nombre de médecins du travail. La réforme a par exemple ouvert les possibilités de délégations de visites vers les infirmiers de santé au travail. Elle a aussi prévu l'appui de la médecine du travail par la médecine de soins avec la création du médecin praticien correspondant. Il s'agit notamment, par ces nouveaux outils, de libérer du temps médical afin de permettre aux médecins du travail de se consacrer aux visites médicales les plus complexes et à la prévention en entreprise. D'autres mesures contribuent à l'attractivité de la profession, en agissant sur ses conditions d'exercice : un fonctionnement rénové et modernisé des services de santé au travail ; une numérisation plus importante, avec le développement du recours à la télémédecine, du dossier médical en santé au travail et la possibilité pour le médecin du travail d'accéder au dossier médical partagé ; des liens plus riches avec la santé publique, notamment l'extension des missions des services de prévention et de santé au travail à des actions de promotion de la santé ; le rôle renforcé des services de santé au travail pour lutter contre la désinsertion professionnelle et aider les salariés confrontés à des problèmes de santé à se maintenir en emploi. L'ensemble de ces mesures complémentaires contribue pleinement à une meilleure prévention des différents risques professionnels ainsi qu'à la promotion de la santé au travail.

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