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Stéphane Viry
Question N° 4407 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 27 décembre 2022

M. Stéphane Viry appelle l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur les incidences d'éventuels délestages électriques pour de nombreux professionnels. En effet, même si force est de constater que les Français ont fait un effort national de sobriété énergétique, qu'il convient de saluer, les annonces du Gouvernement et la récente simulation de coupure nationale d'électricité effectuée par ENEDIS et RTE laissent à penser que cet exercice pourrait devenir une réalité, notamment durant cette période hivernale. Septième puissance mondiale, la France se retrouve dans une situation de précarité énergétique et des conséquences plus ou moins importantes sont à prévoir, notamment au niveau socio-économique et agricole. À titre d'exemple, les structures médico-sociales seront directement affectées par d'éventuelles mesures de délestage, comme le précise l'Agence régionale de santé d'Île-de-France. Il n'est pas concevable de mettre en danger la vie de patients et à tout du moins de ne pas leur garantir la sécurité de leur prise en charge. Si des mesures sont prévues, notamment le transfert des résidents les plus fragiles vers un hôpital ou un établissement doté de moyens autonomes en énergie électrique ou la location d'un groupe électrogène, elles ne sont clairement pas à la hauteur des enjeux, ne répondront pas aux besoins des patients et des professionnels, alors que le système hospitalier et médico-social est déjà à bout de souffle. Au titre d'un autre exemple, les agriculteurs ont été déclarés par le Gouvernement comme non prioritaires dans le cadre des délestages électriques. Dans ce cadre, sur la forme, comment pourrait-on leur expliquer que certains soient privés d'électricité alors qu’en même temps les métropoles restent éclairées et sur le fond, comment assurer la continuité de leurs activités ? En effet et à titre d'exemple, les élevages hors-sols ont besoin d'électricité en permanence, notamment pour les ventilateurs, les moteurs d'alimentation, ou encore l'éclairage. Si certaines exploitations disposent de groupe électrogène, tous n'en sont pas munis et pour d'autres ils sont hors-services. Pour rappel, une coupure pendant moins d'une heure peut être fatale aux animaux. Un autre exemple réside dans les exploitations laitières dont la traite du soir coïncide avec une des deux tranches horaires concernées par les délestages. Aussi, pour toutes ces raisons, il souhaite connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de préserver ces professionnels, si d'aventure des délestages électriques avaient lieu, notamment en procédant à des modifications de l'article 2 de l'arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes générales de délestages sur les réseaux électriques.

Réponse émise le 18 avril 2023

Notre pays traverse sa pire crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La crise ukrainienne et la volonté de la Russie d'utiliser l'approvisionnement énergétique comme une arme de guerre ont entraîné des tensions sans précédent sur les marchés du gaz depuis 2022 et, par voie de conséquence, sur les marchés électriques européens. Par ailleurs, nous avons rencontré à l'été 2022 un épisode de sécheresse inédit ayant conduit à un niveau de production hydroélectrique le plus bas en près de 45 ans. Les risques liés à la sécheresse pour notre système électrique demeurent d'ailleurs en 2023, alors qu'un déficit de précipitations par rapport aux niveaux historiques est constaté depuis le début de l'hiver dernier.  Enfin, depuis plus d'un an la production nucléaire atteint un niveau historiquement bas du fait de l'effet conjugué du programme de visites décennales plus dense résultant du vieillissement du parc (grand carénage), des conséquences du phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) sur une quinzaine de réacteurs, découvert fin 2021 mais également des répercussions des différents mouvement social ayant affecté les activités de maintenance. Ce contexte de crise énergétique a conduit le Gouvernement à mettre tout en œuvre pour garantir les meilleures conditions pour le passage de l'hiver dès le début de l'été dernier. Cela est passé d'abord par le plan de sobriété annoncé par le Gouvernement en octobre 2022, assorti de mesures visant à lisser les pics de consommation électrique, et qui a été soutenu par une campagne de communication grand public. Ce plan de sobriété est un grand succès. Grâce à la forte mobilisation des Français, la consommation électrique a baissé de 13% cet hive, après retraitement des conditions météorologiques. Au pic de consommation en décembre, la sobriété a permis d'économiser l'équivalent de la production de 7 centrales nucléaires. Par ailleurs, grâce à une politique d'anticipation menée par le Gouvernement dès le début de l'été, les stocks de gaz étaient remplis pour l'entrée de l'hiver. D'autre part, nous avons tout au long de l'année 2022 augmenté nos marges de manœuvre sur la production électrique, renouvelables comme thermiques, avec notamment un choc de simplification porté par les services déconcentrés de l'Etat pour accélérer les projets renouvelables en cours de développement et un projet de loi d'accélération des projets renouvelables promulgué le 10 mars 2023. Nous avons enfin sécurisé notre capacité d'importation d'électricité au travers d'un partenariat de solidarité énergétique qui a été signé avec l'Allemagne fin novembre 2022, qui a contribué à permettre à la France d'importer en 2022 un volume record d'électricité. L'ensemble de ces leviers, qui s'ajoutent aux dispositifs usuels à la main du gestionnaire du réseau de transport RTE, ont permis d'éviter jusqu'à 8 signaux Ecowatt « orange » et 12 signaux EcoWatt « rouge » au cours de l'hiver, c'est-à-dire potentiellement 12 épisodes de coupures d'électricité programmées. L'hiver 2022-2023 a ainsi pu être passé sans coupure d'électricité, ce dont il faut se réjouir, puisque cela traduit un rehaussement de la résilience de notre système électrique. Compte tenu de la situation du système électrique français au début de l'hiver, le Gouvernement s'était préparé à des scénarios extrêmes dans lesquels un plan national de délestage électrique aurait pu être mis en œuvre et prendre la forme de coupures locales, ciblées et temporaires, de 2 heures maximum, pour certains usagers raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité, afin d'éviter des coupures de plus grande ampleur. Le retour d'expérience de ce travail d'anticipation est en cours afin d'optimiser l'organisation de la gestion de crise en lien avec l'ensemble des parties prenantes pour le futur. En vue de l'hiver prochain, dont j'ai rappelé les risques plus hauts, j'ai lancé dès le mois de janvier 2023 les premières mesures permettant de poursuivre l'augmentation notre niveau de sécurité d'approvisionnement en énergie. Ainsi, en parallèle de la poursuite de l'accélération du déploiement des énergies renouvelables, du suivi resserré en lien avec EDF et RTE de la disponibilité du parc nucléaire français, et du remplissage de nos stocks de gaz, qui nécessitent une attention constante, un « temps 2 » du plan de sobriété pour renforcer l'ambition en la matière à court, moyen et long termes est à l'étude. Ce « temps 2 » doit permettre d'ancrer dans la durer les baisses de consommation réalisées pendant l'hiver et d'aller plus loin, dans tous les secteurs. Par ailleurs, nous expertisons, en lien avec les filières concernées les voies d'augmentations nouvelles des capacités d'effacement en France, de même que toutes les possibilités d'augmentation de puissance des capacités de production existantes, notamment renouvelables. A plus long terme, tout est mis en œuvre pour que la relance de la politique nucléaire soit un succès, en passant par un projet de loi d'accélération des procédures administratives, qui a été voté favorablement au Sénat en janvier et à l'Assemblée nationale en mars dernier, jusqu'à la préparation de la filière française, qui me remettra fin avril son études sur les besoins en compétences. Le Conseil de politique nucléaire organisé par le Président de la République imposera un rythme soutenu aux nombreux chantiers de cette relance.

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