Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du lundi 14 novembre 2022 à 16h00
Comités sociaux et économiques de la poste — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Il y a plus de trente ans, avec la loi du 2 juillet 1990, le législateur réformait en profondeur l'administration des postes et télécommunications, créant deux personnes morales de droit public distinctes : La Poste et France Télécom. Deux décennies plus tard, la loi du 9 février 2010 transformait La Poste, dont les activités s'étaient diversifiées au fur et à mesure que diminuait la place occupée par la distribution du courrier, en une société anonyme à capitaux publics.

Société anonyme ayant le caractère d'un service public national, La Poste remplit quatre missions d'intérêt général : le service universel postal, la contribution à l'aménagement et au développement du territoire, le transport et la distribution de la presse, et l'accessibilité bancaire. En raison de ses évolutions successives depuis le début des années 1990, son personnel relève d'une pluralité de statuts et mêle des agents contractuels de droit public, des fonctionnaires régis par des statuts particuliers – soit plus de 30 % des 170 000 collaborateurs de la maison mère –, et des salariés – pour près de 70 % des effectifs.

L'histoire de La Poste explique également l'originalité du régime de représentation du personnel, aux instances inspirées de celles de la fonction publique : 145 comités techniques locaux connaissent des questions touchant à la représentation collective ; 407 commissions administratives paritaires, des questions touchant à la situation individuelle des fonctionnaires ; 317 commissions consultatives paritaires, des questions touchant à celle des contractuels.

La Poste héberge aussi 632 CHSCT, semblables à peu de chose près à ceux des entreprises privées avant la réforme de 2017. En outre, le conseil d'orientation et de gestion des activités sociales (Cogas) définit la politique et assure la gestion et le contrôle des activités de cette nature relevant de l'entreprise. Enfin, une commission d'échanges sur la stratégie informe les syndicats des perspectives d'évolution et recueille leurs analyses concernant les orientations stratégiques du groupe, tandis qu'une commission de dialogue social assure l'information de ces mêmes organisations syndicales et la concertation avec elles au sujet des projets d'organisation à portée nationale ou encore des questions d'actualité. Toutefois, la première de ces commissions ne se réunit plus depuis la création, par un accord en date du 21 juin 2017, du comité de dialogue social stratégique groupe, qui assume les mêmes fonctions. Du reste, le droit syndical de la fonction publique s'applique par principe à tous les personnels de La Poste.

J'ai souhaité rappeler ces éléments de contexte avant d'évoquer les raisons qui justifient que le Parlement examine la proposition de loi. Les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques arrivent à leur terme le 31 janvier 2023, c'est-à-dire dans moins de trois mois. Or, la loi ne rend applicables à La Poste les dispositions du code du travail relatives aux CHSCT que jusqu'au prochain renouvellement des instances ; par ailleurs, elle prohibe que les prescriptions touchant aux CSE puissent y produire des effets. Il résulte de cet état de fait que, sans intervention du législateur, les IRP seront prochainement privées de base légale. Comment envisager dans ces conditions un dialogue social de qualité ?

Voilà pourquoi des sénateurs ont pris l'initiative de déposer ce texte. L'article 1er proroge les mandats des membres des CHSCT et des comités techniques jusqu'à la proclamation des résultats des élections aux futurs CSE, et au plus tard jusqu'au 31 octobre 2024 – au lieu du 31 juillet 2024 qui avait été retenu dans la rédaction initiale.

À compter de la même échéance, l'article 2 assujettit La Poste aux dispositions du code du travail relatives à la représentativité syndicale, à la négociation collective et aux IRP, sous réserve des adaptations justifiées par la présence de fonctionnaires dans l'entreprise. Disparaîtront à la faveur de cette réforme le comité technique national, les comités techniques locaux, les CHSCT, le Cogas, la commission d'échanges sur la stratégie et la commission de dialogue social, dont les prérogatives ont vocation à revenir au CSE central et aux CSE d'établissement. En revanche, les commissions administratives paritaires et les commissions consultatives paritaires seront conservées.

Enfin, l'article 3 permet à La Poste, à titre transitoire, de s'appuyer sur le code du travail aux fins de conclure des accords portant sur l'organisation des élections, sur le fonctionnement et les attributions des futurs CSE.

Cette transformation du cadre juridique du dialogue social au sein de La Poste se justifie par le fait que les salariés représentent les deux tiers de ses effectifs et que, du fait de la suppression des CHSCT et de la très prochaine disparition des comités techniques dans la fonction publique, ses IRP n'ont plus d'équivalent dans le droit commun. Elle est en outre d'autant plus compréhensible que les filiales du groupe – La Banque postale, La Poste Immobilier, Mediapost, pour ne citer qu'elles – relèvent du code du travail et sont dotées de CSE.

Pour autant, le nouveau système devra tenir compte des spécificités d'une entreprise qui exerce de multiples activités dans tout le territoire et continue d'employer près d'un tiers de fonctionnaires. La proposition de loi le prévoit expressément : la création d'un conseil des questions statutaires, sur le modèle retenu par Orange, est ainsi le gage d'un traitement approprié des questions intéressant ceux-ci.

Au demeurant, le maillage territorial des IRP de demain devra permettre de répondre véritablement au besoin de proximité entre les personnels et leurs représentants. Pour des raisons parfaitement légitimes, les organisations syndicales y attachent une grande importance, le sujet étant d'autant plus sensible que le nombre d'élus va diminuer.

La Poste doit prendre la mesure des enjeux en la matière : il est rassurant qu'elle envisage la création de près de 900 représentants de proximité qui serviront de relais entre élus et agents, et qu'elle admette la nécessité de l'installation d'un CSE dans chacun des départements ultramarins, de même qu'en Corse, où le risque d'éloignement des IRP suscite des inquiétudes compréhensibles. Au stade des discussions préliminaires, nous avons obtenu qu'elle s'engage de manière ferme en ce sens ; j'y tiens et nous y tenons particulièrement, comme annoncé en commission. Cela dit, la détermination du périmètre des CSE relève de la négociation collective. Peut-on raisonnablement envisager que la loi détermine le nombre d'instances qu'une entreprise, fût-ce La Poste, doit créer ? Je ne le crois pas.

Vous le savez, mes chers collègues, les discussions entre la direction et les organisations syndicales ont débuté ; un accord de méthode portant le projet de création des nouvelles instances a recueilli la signature de la majorité des syndicats. Il est normal que les positions des parties divergent sur certains points ; il est également bon qu'elles ne soient pas figées. Je crois pouvoir affirmer qu'elles ne le sont pas, ainsi que tendent à le démontrer les récentes évolutions de l'entreprise concernant le nombre de CSE à installer dans les territoires ultramarins.

Pour conclure, j'insiste sur le fait que la proposition de loi fait œuvre utile. Elle adapte le régime de la négociation collective à la physionomie contemporaine de La Poste, tout en laissant aux acteurs du dialogue social un temps suffisant pour préparer la transformation majeure qui s'annonce. Je remercie le Sénat de s'être saisi de ce sujet, d'avoir enrichi le texte en commission et en séance publique. Au cours de notre propre travail en commission, nous avons promu l'exigence de la proximité ainsi que les valeurs du dialogue social ; bien évidemment, je souhaite que l'examen du texte se poursuive dans le même état d'esprit.

La Poste accompagne notre quotidien depuis toujours. Elle est riche d'une longue histoire, messagère de nouvelles heureuses, de grands échanges épistolaires, d'informations. Chacun conserve un souvenir particulier de sa relation avec son facteur, sa factrice, son bureau de poste. Élément essentiel de notre patrimoine, La Poste est une entreprise de service public devenue entreprise à mission. Les Françaises et les Français sont attachés à ses missions de service public de proximité.

La Poste n'a cessé d'adapter ses structures pour communiquer également sur les symboles de la République que sont Marianne, notre emblème national, et le drapeau tricolore. Aujourd'hui, elle doit répondre aux défis contemporains : la diminution du courrier au profit du numérique, la transition énergétique, la logistique urbaine, le commerce électronique et la modernisation de l'action publique. Le législateur doit accompagner l'évolution liée à la suppression des CHSCT au profit de CSE, pour maintenir la capacité d'adaptation de La Poste aux défis de notre temps.

Ainsi, mes chers collègues, nous ferons œuvre utile en permettant le dialogue social au bénéfice des missions de service public et en faveur des femmes et des hommes qui contribuent au quotidien à écrire l'histoire d'une institution à laquelle nous sommes tous et toutes très attachés.

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