Intervention de Véronique Roger-Lacan

Réunion du jeudi 29 février 2024 à 8h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Véronique Roger-Lacan, ambassadrice de France pour le Pacifique :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission d'enquête, je vous remercie de nous avoir associés à cette session particulière sur la coopération entre les territoires et leur environnement pour la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'Outre-mer. Si vous le permettez, je me cantonnerai à la partie diplomatique et à l'exercice des compétences de relations extérieures, puisque la gestion des risques naturels dans les territoires d'Outre-mer en coopération avec le voisinage suppose une délimitation et une mise en œuvre de compétences partagées entre les territoires et l'État, notamment en ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Comme vous le savez certainement, nous disposons dans la région de mécanismes de coopération entre États (c'est-à-dire en dehors d'organisations multilatérales régionales) et de dispositifs multilatéraux régionaux (mis en place dans le cadre d'organisations internationales). Une question diplomatique – et presque politique – qui se pose est de savoir comment la France et les territoires se positionnent dans ce cadre, tant au niveau diplomatique que politique.

Le premier mécanisme que je souhaite aborder est l'accord FRANZ (signé en 1992 entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande), qui réside dans une coordination opérationnelle trilatérale pour le déploiement d'aides humanitaires d'urgence en réponse aux catastrophes naturelles. Ce mécanisme a été activé à plusieurs reprises, notamment durant la présidence française de juin 2021 à juin 2023. Il a permis une gestion efficace de deux cyclones tropicaux au Vanuatu, avec le transport des cargaisons australiennes et néo-zélandaises à bord du bâtiment français d'Entrecasteaux, avant l'arrivée des moyens de transport logistique en provenance des deux pays.

L'efficacité de cette coordination et son renforcement sont essentiels, mais peuvent se heurter à des difficultés liées aux attentes régionales, notamment celles des membres du forum des îles du Pacifique. Ceux-ci souhaitent que les réponses aux crises soient gérées par les organismes régionaux en place, tels que le forum des îles du Pacifique et la communauté du Pacifique, qui finance l'initiative PIEMA (Pacific islands emergency management alliance). Pour précision, le forum des îles du Pacifique inclut les États indépendants du Pacifique, ainsi que les territoires en association avec les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et, en ce qui nous concerne, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française qui en sont membres à part entière, alors qu'à l'instar des États-Unis et du Royaume-Uni, la France a le statut de partenaire de dialogue de ce forum.

Comme vous pouvez le constater, nous avons donc un mécanisme multinational entre la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande qui est souple dans son organisation et sa coordination mais qui est opérationnellement efficace. Les mécanismes politiques sont plus complexes du point de vue de l'engagement des moyens de l'État. En effet, ils mettent souvent en œuvre des compétences partagées – comme la protection civile – qui sont déléguées aux territoires, tout en impliquant l'emploi de moyens de l'État (qu'ils soient militaires ou policiers). Dans ce cadre, il revient aux hauts-commissaires en tant que commandants d'opérations de gérer l'engagement des moyens de la République.

Voilà un certain nombre de subtilités qui font que le cadre choisi est un petit peu particulier, puisqu'il s'agit d'exercer des compétences parfois partagées mais toujours sous la responsabilité du représentant de l'État, à savoir le haut-commissaire de la République.

Notre préférence va au mécanisme FRANZ, et il sera nécessaire à l'avenir de discuter avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande de l'articulation avec les mécanismes régionaux de la communauté du Pacifique et du forum des îles du Pacifique. Depuis la dernière visite du Président de la République dans le Pacifique, la France a décidé de coopérer avec le Pacific Humanitarian Warehousing Program. Il s'agit d'un mécanisme lancé par l'Australie avec les États-Unis dans le cadre de Partners in the Blue Pacific, une initiative multinationale de coopération entre les États-Unis et les membres du forum des îles du Pacifique y compris donc la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française. La France n'a pas souhaité devenir partenaire de cette initiative qui a été jugée un peu ciblée politiquement alors que notre ambition – en accord avec le souhait des États de la région – est de tirer parti de toutes les offres de coopération émanant de tous les États membres, sans pour autant prendre parti. Sont membres de cette initiative américaine, l'Allemagne, l'Australie, le Canada, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, en sachant que l'Australie et la Nouvelle-Zélande font de toute façon partie du forum des îles du Pacifique. La France n'en est pas membre donc, mais il a été décidé à la faveur de la visite du Président de la République de participer financièrement à cette initiative sur une durée de huit ans à hauteur de 8 millions d'euros (soit un million d'euros par an). L'idée est de renforcer les stocks humanitaires prépositionnés dans les États insulaires du Pacifique.

Une autre initiative prise à la suite du dernier voyage présidentiel réside dans l'ouverture d'une plateforme d'intervention régionale pour le Pacifique Sud de la Croix-Rouge française, qui vise à former et à mettre en réseau les sociétés nationales de la Croix-Rouge dans le Pacifique insulaire. Cette plateforme est financée par l'Agence française de développement, à raison de 3 millions d'euros.

En termes de mécanismes régionaux, nous avons aussi un centre de formation au maintien de la paix, à l'assistance humanitaire et au secours qui est basé à Blackrock dans les îles Fidji et au niveau duquel nous déployons un expert financé par la direction de la coopération et de la sécurité de Défense.

En plus de la communauté du Pacifique et le forum des villes du Pacifique que j'ai évoqués plus tôt, nous avons un autre format avec la réunion annuelle des ministres de la Défense du Pacifique Sud, qui inclut la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Tonga, le Fidji et le Chili. À l'occasion de la dernière réunion qui s'est tenue le 7 décembre dernier sous présidence française à Nouméa, il a été décidé de renforcer la coopération et la coordination militaires entre tous ces États disposant de forces armées dans le domaine HA/DR (humanitarian assistance and disaster relief), soit l'assistance humanitaire et de secours en cas de catastrophe.

Ces mécanismes ont été activés pour porter secours au Vanuatu suite aux cyclones des deux dernières années, et à Bougainville après l'éruption volcanique que l'île a subie, avec notamment des vols de reconnaissance effectués par les vecteurs aériens des forces armées françaises en Nouvelle-Calédonie. Au total sur les deux dernières années, 3 millions d'euros ont été mis en œuvre pour l'aide humanitaire française dans le Pacifique, outre la réponse d'urgence suite à l'éruption volcanique au Tonga en janvier 2022.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres de la commission, vous pourrez retenir de mon propos que la question qui nous occupe particulièrement – en dehors des mécanismes et des projets très précis que vous décriront les intervenantes suivantes – est celle de l'exercice des compétences de relations extérieures pour cette gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'Outre-mer. Je vous remercie pour votre attention.

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