Intervention de Mansour Kamardine

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMansour Kamardine :

Monsieur le ministre délégué, vous êtes arrivé au Gouvernement après le cadrage budgétaire, de sorte que vous n'avez pas pu construire le budget pour 2024. L'appréciation globale que nous portons sur ces crédits n'est donc pas une appréciation sur votre personne, ni sur votre influence au sein du Gouvernement.

Je ne vais pas tourner autour du pot : le budget pour 2024 de la mission "Outre-mer" est peu satisfaisant. En effet, avec 2,9 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 2,6 milliards de crédits de paiement, le budget, en euros constants, est stable, compte tenu du niveau de l'inflation dans les territoires qu'il concerne – lesquels sont traversés par de multiples crises qui justifient un accompagnement actif, y compris en matière budgétaire.

En réalité, l'effort global de l'État par habitant outre-mer est équivalent à celui de la moyenne nationale, c'est-à-dire 7 800 euros. Toutefois, pour ce qui concerne Mayotte, il ne représente plus que la moitié. Et si on comptabilise l'ensemble de la dépense publique, y compris les dépenses sociales et la santé, la dépense par habitant en France s'élève à 20 000 euros, tandis qu'à Mayotte elle est de 4 000 euros. Nous sommes donc loin de l'égalité républicaine. Les territoires ultramarins constituent, avec les territoires ruraux de métropole, la cinquième roue du carrosse. Dès lors, comment s'étonner que, plus de soixante-dix ans après la départementalisation des Quatre Vieilles, et douze ans après celle de Mayotte, l'égalité réelle et le niveau de développement sont encore loin des normes de la République ?

De plus, nous avons besoin d'un instrument souple pour effectuer la transition de la génération actuelle de contrats de plan État-région (CPER) vers celle de 2024, à moins de sacrifier cette dernière année. Le budget présenté augure donc mal de la volonté d'engager des investissements d'avenir outre-mer.

C'est pourquoi, le groupe Les Républicains ambitionne de vous aider à améliorer votre budget. Pour ce faire, nous avons déposé cinq amendements, sur trois missions, visant à renforcer la performance des politiques publiques outre-mer et à guider le Gouvernement vers des politiques de développement durable effectives. Ils visent notamment à favoriser les investissements extérieurs outre-mer, en offrant aux territoires ultramarins la possibilité de créer des zones économiques fiscales et douanières spéciales permettant de s'appuyer sur leurs bassins régionaux pour créer des emplois en drainant des investissements. Ils visent également à améliorer l'accès à l'assainissement collectif, à favoriser le développement du potentiel hydroélectrique en Nouvelle-Calédonie, à défendre l'appartenance de Mayotte à la France sur la scène internationale et à favoriser la reforestation des territoires les plus touchés, notamment à Mayotte, qui perd 1,2 % de son couvert forestier par an et qui est le quatrième territoire au monde le plus touché par la déforestation.

Monsieur le ministre délégué, je sais combien vous vous battez pour que les choses aillent mieux – je sais reconnaître ceux qui agissent et je les salue. Malheureusement, on peut retourner le budget dans tous les sens, le compte n'y est pas ! Vous dites que le Gouvernement fait beaucoup de choses. Ce n'est pas faux : il accomplit des efforts significatifs en engageant 500 millions pour les écoles et 350 millions pour le logement social à Mayotte. Mais ce ne sont pas là les priorités des Mahorais, seulement celles du Gouvernement, et elles sont contraires aux priorités de Mayotte, de sorte que les Mahorais considèrent que rien ne se fait chez eux.

Ce que nous voulons, c'est que l'État agisse dans ses domaines de compétences qui sont la sécurité, le contrôle des frontières, l'université, les routes nationales, la piste longue d'atterrissage, la santé pour les assurés sociaux, l'égalité sociale et l'égalité des chances. Nous vous demandons, avant tout, d'assumer vos compétences – j'y insiste.

Pour le reste, nous demandons l'égalité de traitement avec les autres territoires de la République, y compris dans la façon dont vous conduisez les échanges avec les collectivités territoriales. La coconstruction, qui est chère au Gouvernement, ne doit pas demeurer un vain mot : c'est une exigence républicaine à laquelle vous ne pourrez, cette fois, échapper.

À cet égard, allez-vous recycler les crédits annoncés depuis des années, comme pour l'eau à Mayotte, pour un énième effet d'annonce ? Allez-vous encore garder la main sur les fonds européens pour financer les choix du Gouvernement, qui sont en contradiction avec ceux des Mahorais ? Allez-vous manœuvrer pour contraindre les collectivités ultramarines à opérer, sur leurs compétences, vos propres choix, comme cela a été le cas de 2017 à 2023 pour l'eau à Mayotte ?

Compte tenu des résultats calamiteux obtenus, nous ne pouvons plus laisser le Gouvernement agir seul. Monsieur le ministre délégué, le temps est venu que l'État assume ses responsabilités et le fasse en tenant compte des aspirations des ultramarins, notamment des Mahorais. Telles sont les conditions pour que nous votions votre budget : prenez en considération les aspirations de nos concitoyens d'outre-mer.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion