Intervention de Guillaume Vuilletet

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2023 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2024 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet :

Mon rôle est de soutenir ce projet de budget et je le ferai avec conviction, parce qu'il le mérite. Il s'agit du premier budget après le Ciom, qui s'est réuni en juillet et a permis de définir, avec les collectivités locales et les acteurs ultramarins, soixante-douze mesures validées par la Première ministre. Je veux croire qu'un cap a été franchi et vous ne m'en voudrez pas, monsieur le ministre délégué, de rendre pour cette raison hommage à votre prédécesseur.

Soyons clairs : parce qu'ils confrontent les déséquilibres criants dans les territoires aux limites de l'annualité budgétaire, les budgets des outre-mer laissent toujours une saveur d'inachevé. Prenons donc la mesure du poids du temps dans ce débat. Souvenons-nous qu'en 2016, le gouvernement de l'époque était fier que le budget de la mission "Outre-mer " atteigne 2 milliards d'euros. Il s'établit désormais à près de 3 milliards : ces chiffres témoignent donc ni d'un désengagement de l'État ni d'un désintérêt du Gouvernement et de sa majorité.

En 2016, le budget s'inscrivait dans une action d'ensemble de l'État au profit des outre-mer à hauteur de 15 milliards d'euros. Cette année, le soutien de la nation aux outre-mer représente près de 23 milliards d'euros. Quant aux dépenses fiscales, elles s'élèvent à plus de 5 milliards, contre 4 milliards en 2017. Compte tenu de tous ces éléments, le soutien de la nation aux outre-mer sera donc de près de 28 milliards d'euros en 2023, alors qu'il était de 19 milliards en 2017, lors du dernier budget présenté sous le quinquennat de François Hollande. Il s'agit d'une augmentation de près de 40 % ! L'actuelle majorité ne peut donc être taxée d'avoir négligé les outre-mer et n'a pas à rougir de son action en la matière.

Je tiens néanmoins à appeler votre attention sur un point, monsieur le ministre délégué. Les conclusions de l'Inspection générale des finances (IGF) au sujet de la défiscalisation ont été, en quelque sorte, anticipées lors de l'examen de la première partie du PLF, puisqu'un amendement du rapporteur général de la commission des finances, repris dans le texte du Gouvernement, a donné sur certaines mesures un coup de rabot de près de 150 millions d'euros. Sans me prononcer sur le fond, je serais choqué que cette décision aboutisse à une baisse de l'effort de la nation. Vous avez obtenu, monsieur le ministre délégué, une hausse de près de 180 millions de votre budget, ce dont je vous félicite ; il ne faudrait pas que ce coup de rabot l'annihile. Je veux croire qu'il vous laisse au contraire une marge de manœuvre équivalente pour approuver des amendements au cours des différentes lectures. En tout cas, il serait incompréhensible que la loi de finances initiale (LFI) soit, au bout du compte, moins-disante que le PLF.

En réalité, il faut compenser des décennies de sous-investissement de l'État dans les territoires d'outre-mer. C'est le rôle des contrats de convergence et de transformation (CCT), dont le renouvellement verra les crédits correspondant à la participation de l'État passer de 1,8 à 2,4 milliards d'euros. Nous savons néanmoins que les territoires auront besoin de temps et d'appui pour mener ces opérations, comme le montre le rythme de consommation des crédits.

Je n'illustrerai ce sous-investissement que par un exemple : la gestion de l'eau. L'État a sa part de responsabilité et je me réjouis qu'il ait décidé, soutenu par cette majorité, de l'assumer. Il serait cependant trop simple d'effacer les responsabilités locales ; mais, pour l'instant, la réalité s'impose avec violence. La pénurie sévère qui frappe Mayotte depuis mars exige des mesures d'urgence exceptionnelles.

Je salue nos collègues Estelle Youssouffa et Mansour Kamardine, qui sauront évidemment mieux en parler que nous, et tiens à leur témoigner à nouveau mon soutien. Je me souviens de notre déplacement à Mayotte dans le cadre de la commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, que j'ai eu l'honneur de présider. Nous avons pu y constater une forme de faillite.

Des mesures exceptionnelles, vous en avez pris, monsieur le ministre délégué, mais la situation exige aussi et surtout des mesures pérennes. Près de 300 millions d'euros en AE et en CP, soit 100 millions de plus qu'en 2017, sont prévus dans le cadre de la seule mission Outre-mer, qui permettront d'importants investissements structurels, notamment à Mayotte. Je pense à des mesures précises : il faut, comme le demandent nos collègues, renforcer les moyens dédiés à la prospection des forages et lancer les travaux pour la deuxième usine de dessalement ainsi que pour la troisième retenue collinaire. Il s'agira de décaisser et de rendre opérationnels les 411 millions d'euros d'investissements prévus dans le contrat de progrès entre l'État et le syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte.

Comme nous le savons, la gestion de l'eau relève de la compétence des collectivités locales. Cependant, l'urgence appelle parfois à dépasser la lettre des textes. L'accès à l'eau n'est pas un confort, mais une nécessité vitale : lorsqu'il n'y a plus d'eau au robinet, l'État se doit d'intervenir encore davantage.

Il convient également d'évoquer le sujet de l'assainissement, auquel nous aurons l'occasion de revenir lors de l'examen des amendements. Le principe selon lequel l'eau paie l'eau ne s'applique pas dans les territoires d'outre-mer. Dans la mesure où l'eau propre ne paie rien, même pas elle-même, elle ne peut pas payer l'eau sale. Je peine à croire que les tuyaux d'assainissement subissent significativement moins de fuites que les tuyaux d'eau propre.

Cinq minutes ne suffiront jamais à décrire l'action de l'État en outre-mer. Nos débats doivent permettre d'améliorer ce budget issu du Ciom et dont le groupe Renaissance salue d'ores et déjà le contenu. Je suis certain que le Gouvernement se montrera à l'écoute de nos remarques comme des propositions de nos collègues d'outre-mer. Naturellement, notre groupe approuvera le budget à l'issue des débats.

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