Intervention de Johnny Hajjar

Réunion du jeudi 25 mai 2023 à 10h05
Commission d'enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la constitution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJohnny Hajjar, rapporteur :

Je m'inscris en faux contre l'affirmation qui vient d'être faite. Je constate en tout cas que les échanges s'orientent fortement, au sein de cette commission d'enquête, sur la question de l'octroi de mer. La fiscalité englobe l'octroi de mer et la TVA. Personne ne mentionne celle-ci alors que la TVA rapporte autant que l'octroi de mer, à savoir un milliard d'euros de part et d'autre. De plus, la TVA collectée repart dans l'Hexagone, alors que la ressource constituée par l'octroi de mer reste au sein du territoire régional concerné. Il participe, à ce titre, au financement de l'économie. Les différents rapports qui paraissent sont ciblés sur l'octroi de mer, alors que celui-ci finance d'abord des services publics à la population et compense des sous-dotations des collectivités locales. Ces dotations n'ont cessé de chuter et il manque 400 millions d'euros aux mairies de nos territoires pour équilibrer leur budget – lequel doit obligatoirement être à l'équilibre, contrairement à celui de l'État.

Je demande donc plus d'objectivité et je voudrais que nous sortions de cette ornière. Même s'il existe des politiques publiques décidées par un gouvernement élu démocratiquement, nous faisons face à un problème de fond. La vie n'a jamais été aussi excessivement chère dans nos territoires. Cela montre bien que, quels que soient les gouvernements qui se sont succédé, les problèmes n'ont jamais été traités, ni structurellement ni conjoncturellement.

Le CSTB a un poids anormal dans les investissements dans la construction, comme cela a été relevé notamment à La Réunion. Il en résulte des délais, parfois une absence de réponse et des freins importants, qui grèvent les investissements territoriaux, car le CSTB décide de tout et jouit d'une position de monopole. Nous avons évoqué la question des monopoles qui perdurent depuis des décennies. Nous ne voyons jamais la répercussion sur le prix de vente de mesures dont ils bénéficient, alors qu'ils bénéficient d'exonérations et d'allègements fiscaux, de façon organisée. Ni l'Insee, ni l'Autorité de la concurrence, ni la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne sont en mesure aujourd'hui de nous dire le nombre très limité de grands groupes présents dans les territoires ultramarins, dont l'exiguïté des marchés ne laisse plus de place aux acteurs de moindre taille. Vous l'avez-vous-même souligné. Même lorsque des acteurs de petite taille s'implantent, ils se heurtent à une limite puisqu'ils sont obligés de s'approvisionner auprès de grossistes qui sont eux-mêmes importateurs, distributeurs et concentrent la chaîne, tant verticalement qu'horizontalement. Quelles sont les mesures mises en place concrètement par la DGOM pour lutter contre les problématiques de monopoles et d'oligopoles sur le fond ? Je salue la mise en place du bouclier qualité-prix, mais celui-ci ne porte que sur 300 produits au maximum et impose au ménage d'acheter le même panier de consommation. Vous devez acheter exactement la liste des produits inclus dans ce bouclier. Celui-ci ne peut donc en rien régler le problème sur le fond. J'ai entendu le Président de la République lui-même affirmer qu'il souhaitait s'atteler à la question du modèle économique monopolistique et oligopolistique. Si tel est le cas, les Directions de l'État compétentes sur ce sujet peuvent-elles nous dire quelles sont les études qui ont été lancées, quels sont leurs résultats et quelles sont les mesures prises par voie de conséquence ?

Vous avez évoqué l'accroissement du PIB. Là aussi, les indicateurs me semblent très discutables car ils ne sont pas bienveillants vis-à-vis de la population. Le PIB indique l'accroissement de la richesse d'un territoire mais il ne dit pas si celle-ci est répartie équitablement ni si la précarité et le chômage reculent. Au contraire, le chômage et la précarité augmentent. Même lorsque le nombre de chômeurs a diminué, la précarité était présente. Une personne ayant travaillé six heures au cours du mois est considérée comme non-chômeuse. Or, six heures ne fournissent pas un salaire permettant de vivre. À cela s'ajoute le vieillissement de la population. Je rappelle que la TVA, en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, continue de s'appliquer alors que son taux est nul à Mayotte et en Guyane. Il existe une inégalité de traitement incompréhensible. Au titre de la continuité territoriale, la Corse a bénéficié de 190 millions d'euros et les territoires d'outre-mer de 45 millions d'euros. Je pourrais vous citer de nombreux autres chiffres allant dans le même sens. Pouvons-nous, au sein de cette commission d'enquête, travailler objectivement sur le fond et disposer d'indicateurs distincts du PIB ? Peut-être celui-ci a-t-il augmenté, mais si la richesse bénéficie toujours aux mêmes privilégiés, alors que les classes moyennes s'appauvrissent, la situation n'est plus la même. Apportons des éléments de fond, sortons des réponses toutes faites et notamment de l'attaque en règle dont fait l'objet l'octroi de mer, comme si celui-ci pouvait suffire à régler le problème du coût de la vie dans nos territoires.

Quant à la possibilité de commercer au sein de l'environnement régional, toute initiative est aujourd'hui soumise à l'autorisation de l'État. Je reviens ici à la question des normes européennes. Les Açores, les Canaries et Madère bénéficient d'un régime politique très différent de celui des départements français et jouissent d'une autonomie bien plus grande, ne serait-ce qu'en termes de capacité d'initiative. Il suffit de mesurer le chemin à effectuer pour aller convaincre les instances européennes, qui ne connaissent pas grand-chose de nos territoires, que nos réalités sont différentes. Nous pourrions, de manière bien plus efficace, localement, chercher à adapter nous-mêmes les normes qui s'appliquent à nos territoires. La France ne nous permet pas, pour l'instant, de le faire.

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