Intervention de Davy Rimane

Séance en hémicycle du mercredi 7 juin 2023 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavy Rimane :

Ce débat vient clôturer la période d'évaluation des dernières semaines en commission, dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques mise en place en 2022. Ce fut un travail particulièrement intense qui, paradoxalement cette année, se retrouve amoindri en séance publique puisque chaque groupe n'a pas pu mettre à l'ordre du jour une proposition de résolution visant à évaluer une politique publique.

Nous regrettons qu'un tel dispositif ait été supprimé, alors qu'il donnait aux groupes d'opposition une opportunité d'expression supplémentaire. Cette année, seules la majorité et l'opposition de confort des Républicains l'exercent.

Pourtant, cette période d'analyse et d'évaluation est souvent un moyen de débusquer quelques loups, à commencer par celui de la charge de la dette, si souvent mise en avant au cours des dernières semaines. L'analyse de la mission "Engagements financiers de l'État " s'avère à ce titre particulièrement intéressante. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a déjà commencé à préparer les esprits grâce à des éléments de langage bien connus, car souvent répétés, selon lesquels la France n'a plus les moyens et qu'elle ne peut donc plus s'endetter. Le récit est simple : les taux d'intérêt de la dette française augmentent significativement, les agences de notations dévaluent la note de notre pays, engendrant une hausse exponentielle de notre charge d'intérêts. Pour l'empêcher, il faudrait donc réformer et restreindre la dépense publique pour tenir les engagements du Gouvernement, notamment ceux du programme de stabilité.

Ce récit pourrait être crédible, mais c'est sans compter l'analyse des crédits alloués au paiement des intérêts de la dette. À bien y regarder, la hausse de ces derniers provient certes en partie de celle des taux d'intérêt, mais surtout de la hausse des taux des obligations, indexées sur l'inflation. Cette année, la charge d'indexation du capital des obligations a ainsi atteint 15,5 milliards d'euros, un record !

Bien loin donc de traduire une inquiétude des créanciers sur les titres français, la hausse des taux est surtout le reflet d'une erreur sans commune mesure dans la politique d'émission de titres de notre pays. En effet, cette pratique s'avère particulièrement à risque au regard des gains théoriques et très incertains qu'elle peut engendrer. Elle relève même de l'inconscience lorsque l'inflation culmine à des taux proches de 5 %. Vous faites pourtant le choix de la poursuivre, comme l'ont démontré les récentes vagues d'émissions. Loin des faux-semblants, la hausse extraordinaire de notre charge d'intérêts n'est pas le fruit de politiques trop dispendieuses, mais bien celui de vos choix politiques !

C'est donc tout l'intérêt de ces notes d'exécution et de ces rapports spéciaux. Chacun d'entre eux devrait faire l'objet d'une intervention dans l'hémicycle. C'est le cas par exemple de l'exécution budgétaire des crédits de la mission "Outre-mer" , dont mes collègues Karine Lebon et Christian Baptiste sont corapporteurs spéciaux. Des moyens sont mis en œuvre par l'État en faveur de nos territoires éloignés, il faut le reconnaître. Mais leur éclatement géographique nuit malheureusement à leur compréhension et à leur efficacité.

En effet, la mission "Outre-mer " ne représente qu'une fraction assez faible de l'effort budgétaire de l'État, reparti dans 102 programmes et 31 missions ! Au sein de la mission "Outre-mer," l'importance du soutien aux entreprises a malheureusement une nouvelle fois été sous-évaluée, menant à l'ouverture de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative. De même, les montants prévisionnels des dépenses de fonctionnement doivent, à l'avenir, être beaucoup mieux calibrés car il n'est pas acceptable que se reproduisent, année après année, des écarts d'un à sept entre prévision et exécution.

Enfin, en 2022, les restes à payer engendrés par les actions de cette mission ont atteint le niveau record de 2 milliards d'euros. Un effort supplémentaire permettrait de résorber les facteurs structurels responsables d'une telle situation. Ainsi, un meilleur accompagnement des collectivités dans la réalisation de leurs projets et une amélioration des dispositifs seraient, en partie, en mesure de réduire de manière drastique ces restes à payer et participeraient à l'assainissement des comptes publics que vous appelez de vos vœux. Il ne s'agit donc pas de dépenser moins, mais de dépenser mieux !

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