Intervention de Timothée Houssin

Séance en hémicycle du mercredi 8 mars 2023 à 15h00
Régime juridique des actions de groupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaTimothée Houssin :

L'action de groupe permet à des consommateurs victimes d'un même préjudice causé par un professionnel de se regrouper et d'agir en justice avec un seul dossier, par l'intermédiaire d'une association. Il s'agit donc de protéger nos concitoyens contre des préjudices commis par des entreprises plus puissantes qu'eux, dotées de davantage de moyens financiers et épaulées par des armées d'avocats.

Avec l'instauration, par la loi du 17 mars 2014, des actions de groupe, notre pays a cherché à créer son propre modèle pour renforcer le droit des citoyens sans tomber dans les dérives des class actions à l'américaine. Force est de constater que cet équilibre n'a pas encore été trouvé.

La mission d'information de M. Gosselin et Mme Vichnievsky a proposé des améliorations concrètes pour rendre cette procédure plus efficace et réellement opérationnelle.

Le régime de l'action de groupe a déjà évolué, puisque la loi du 18 novembre 2016 l'a étendu aux discriminations au travail, aux questions environnementales et au respect des données personnelles. En 2018, la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique a rendu possible les actions de groupe pour les préjudices causés par la location d'un logement.

Ces extensions pourraient laisser penser que le nombre d'actions de groupe a fortement augmenté depuis la création de cette procédure et que les droits des consommateurs en sont sortis renforcés. Il n'en est rien, comme le révèle le rapport de la mission d'information : depuis 2014, trente-deux actions de groupe seulement ont été exercées, dont vingt dans le domaine de la consommation ; douze ont abouti à un rejet, quatorze sont en cours. Six procédures seulement ont débouché sur un résultat positif : dans trois d'entre elles, le défendeur a été déclaré responsable, tandis qu'un accord amiable a pu être trouvé dans les trois autres.

Avec un taux de réussite aussi faible, on ne peut que parler d'échec. Il est urgent d'agir car ce sont des milliers de citoyens qui subissent des préjudices sans en obtenir réparation. Laisser les choses en l'état serait aussi un très mauvais signal pour les entreprises mal intentionnées, une minorité : sachant qu'elles ne sont pas menacées par ces procédures, elles poursuivent sans remords leurs pratiques frauduleuses.

Le texte comporte des avancées majeures. Les plaignants pourront obtenir réparation de l'intégralité de leur préjudice ; un nombre minimal de plaignants, réunis en association ad hoc, permettra de lancer une action de groupe. Il convient de préciser que le seuil de 50 personnes fixé par le texte initial nous paraissait déjà trop élevé ; le porter à 100 personnes, comme il en a été décidé en commission, affaiblirait la portée du texte.

Nous proposerons donc par amendement de revenir au seuil initial. Pour éviter tout enrichissement issu de pratiques condamnables, nous proposerons que le montant de la sanction soit au moins égal, après ajout des dommages et intérêts octroyés, au profit réalisé par l'entreprise lorsque celle-ci a délibérément commis une faute. Nous défendrons aussi des mesures pour empêcher les actions de groupe dont le seul but serait de nuire à la réputation d'une entreprise.

Permettez que je fasse quelques commentaires sur la forme. Je dois mettre en garde notre assemblée contre la surtransposition de directives européennes, mise en œuvre par les amendements du Gouvernement. Elle pourrait bien dénaturer l'action de groupe à la française, dont le régime a été créé grâce au travail parlementaire. Je note que d'autres groupes ont dénoncé cette entreprise de démolition du texte que mène le Gouvernement.

Rappelons la genèse du texte : une mission d'information, un rapport d'information, la coconstruction d'une proposition de loi, de multiples auditions d'acteurs, d'associations de citoyens, de professionnels du droit et du monde de l'entreprise, une saisine du Conseil d'État et un avis qui a donné lieu à des modifications, des amendements adoptés en commission et, pour finir, un texte voté à l'unanimité. Je pense que nous pouvons saluer ce travail parlementaire, qui a abouti à une action de groupe à la française, équilibrée et consensuelle.

À l'heure où l'action de l'Assemblée nationale est remise en cause par le passage en force, sans vote ni concertation, contre l'avis des députés et celui du peuple, de propositions qui n'auraient jamais obtenu de majorité, à l'heure où l'image de l'Assemblée nationale pâtit des excès et du comportement outrancier de certains groupes, et des bras d'honneur d'un ministre dans l'hémicycle, nous ne pouvons que nous réjouir de ce travail parlementaire de qualité. Il montre un parlement à l'œuvre, au service du bien commun.

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