Intervention de Naïma Moutchou

Séance en hémicycle du lundi 6 mars 2023 à 16h00
Garantir le respect du droit à l'image des enfants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNaïma Moutchou :

Internet a bouleversé nos existences pour le meilleur et pour le pire : le meilleur doit être salué, le pire ardemment combattu. Ce que nous ne tolérons pas dans notre quotidien n'a pas lieu d'exister dans le monde dit virtuel. Ce monde n'est d'ailleurs pas virtuel, en définitive, puisqu'il ne réduit en rien les offenses, les humiliations et les drames, qui sont bien réels lorsqu'ils se produisent.

Parmi les victimes des dangers d'internet et de sa caisse de résonance se trouvent nos propres enfants. Les réseaux sociaux sont inondés de mises en scène de mineurs, d'images et de vidéos à l'apparence banale, mais cette apparence est une illusion. Dès lors que la photo de famille la plus anodine peut être usurpée, détournée, dégradée ou manipulée, la voie est ouverte aux violences éducatives numériques. J'en veux pour preuve les chiffres, vertigineux, cités par le rapporteur : en moyenne, avant l'âge de 13 ans, un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne, et 50 % de celles qui s'échangent sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées sur les réseaux sociaux par les parents eux-mêmes.

Protéger nos enfants à l'ère du numérique, et en faire des individus libres et suffisamment armés pour affronter l'avenir, est bien l'un des immenses défis de notre société. Il y va de leur développement et de leur santé.

Bien sûr, c'est d'abord l'éducation qui joue un rôle déterminant dans la préservation des enfants du regard des autres et dans la compréhension de ce qu'impose le respect de leur vie privée – ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas être fait. Il faut continuer à sensibiliser les enfants à leurs droits, à prendre leur parole en considération et à leur offrir des espaces d'expression adaptés et respectueux de leur intimité. Tel est le sens de la politique résolue que mènent, avec l'aide des associations, le Gouvernement, le ministère de la justice et le secrétariat d'État chargé de l'enfance. Je salue plus particulièrement Charlotte Caubel, secrétaire d'État chargée de l'enfance, pour son action constante, ferme et déterminée en faveur des enfants, au plus près du terrain.

La protection du droit à l'image des enfants est aussi la responsabilité de notre assemblée, qui s'est emparée du sujet en adoptant de nombreux textes visant à réguler les réseaux sociaux, à lutter contre le cyberharcèlement et les raids numériques, à encadrer le contrôle parental ou à agir sur le statut des enfants influenceurs. Ainsi, pas plus tard que jeudi dernier, l'Assemblée a adopté la proposition de loi tendant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, déposée à l'initiative du groupe Horizons et apparentés et défendue par le président Laurent Marcangeli. De même, nous examinerons tout à l'heure la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, présentée par notre collègue Caroline Janvier. De toute évidence, nous sommes dans l'action.

Revenons à la proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants, que nous présente aujourd'hui Bruno Studer, dans le prolongement de l'engagement qui est le sien depuis plusieurs années. Ce texte arrive à point nommé car, dans le domaine de la protection du droit à l'image des enfants, nous ne sommes pas arrivés au bout du chemin. Bien que le code civil sous-tende déjà les notions de vie privée de l'enfant et de responsabilité des parents, il est aujourd'hui utile de les graver dans le marbre de la loi, comme le suggèrent les deux premiers articles du texte.

Face à l'ampleur des dérives que nous constatons, il est impératif de marteler et d'appliquer le principe du droit à l'image en nous assurant que toutes les conséquences en sont convenablement tirées. En cas de désaccord entre les parents dans l'exercice du droit à l'image de l'enfant mineur, le juge aux affaires familiales pourra être saisi, conformément aux compétences qui sont les siennes. Si la diffusion de l'image de l'enfant porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale, alors l'autorité parentale pourra être déléguée.

Nous y reviendrons, puisque c'est un point qui a fait débat en commission, mais je rappelle, à ce stade, que l'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs qui a pour finalité l'intérêt de l'enfant et de lui seul. C'est un pouvoir effectif de l'organisation de la vie de l'enfant, dont l'exercice doit pouvoir être aménagé si l'intérêt de l'enfant l'exige. Tel est le sens de l'article 4, dont la nouvelle rédaction, proposée par voie d'amendement, permettra, je crois, d'en faire une dérogation pondérée et acceptable.

Cette proposition de loi équilibrée et bienvenue nous permettra d'atteindre notre objectif commun de toujours mieux protéger les enfants. C'est la raison pour laquelle le groupe Horizons et apparentés la soutiendra.

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