Intervention de Véronique Louwagie

Séance en hémicycle du samedi 17 décembre 2022 à 15h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie :

Pourtant, votre majorité et votre gouvernement ont balayé d'un revers de main nos propositions, refusant dans les actes le compromis que vous réclamiez dans vos discours. Vous avez du reste indiqué, madame Hai, que nos propositions n'étaient pas suffisamment documentées : c'est une question d'appréciation. J'en veux également pour preuve le fait que vous n'avez retenu dans le projet de loi de finances que très peu d'amendements des députés et sénateurs des groupes d'opposition.

Et que dire de celui que vous avez déposé pour réformer le compte personnel de formation, sans débat et en catimini ! Cet amendement, déposé à la dernière minute, samedi dernier, sans même que le rapporteur général en prenne connaissance, n'a pas fait l'unanimité, même au sein du groupe Renaissance, puisque sa présidente, Aurore Bergé, s'en est elle-même émue, déclarant : « C'est une méthode qui ne doit pas se reproduire. » Le Conseil constitutionnel, quant à lui, pourrait considérer cette mesure comme un cavalier.

Votre méthode nous a privés de débat sur des questions d'une importance capitale : les finances des collectivités territoriales, la défense, le travail, la solidarité, l'éducation nationale, et d'autres encore. J'appelle votre attention sur les risques liés à cette situation. Qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, les députés relaient, sur le terrain, auprès des citoyens, les informations relatives aux nouvelles dispositions législatives. Or l'absence de débat a contribué à diminuer les échanges, voire à les supprimer. Ainsi privés d'informations, les députés ne pourront pas, comme ils le faisaient les années précédentes, les relayer dans les territoires.

Tout cela accentue la crise de confiance dans la vie politique et contribue à creuser le fossé entre les citoyens et le monde politique.

Sur le fond, je ne rappellerai pas, ici, toutes les raisons de notre opposition au projet de loi de finances pour 2023 : nos divergences sont notoires. En voici néanmoins quelques-unes.

Tout d'abord, les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont manifestement insincères. Vous campez, coûte que coûte, sur une hypothèse de croissance de 1 % pour 2023, quand le Haut Conseil des finances publiques ainsi que tous les instituts vous disent qu'elle est trop optimiste, donc intenable. À présent, c'est le Président de la République lui-même qui vous déjuge, en précisant que « le taux de croissance pour 2023 devrait se situer entre 0,5 % et 0,7 % ».

Une autre divergence concerne le niveau du déficit, qui atteint 164,9 milliards d'euros, avec un endettement record. Votre gouvernement ne veut toujours pas nous écouter ; nous déplorons plus que jamais votre renoncement à la maîtrise des dépenses publiques, qui nous conduit dans le mur de la dette, et ce n'est pas moi qui le dis.

Dans son avis de septembre 2022 relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2023, le Haut Conseil des finances publiques souligne que « le retour à des niveaux de dette garantissant à la France de disposer de marges de manœuvre suppose un effort collectif reposant sur la maîtrise de la dépense couplée à la recherche d'une plus grande efficacité de celle-ci ».

Il y a quelques semaines, c'est le Fonds monétaire international qui lançait un avertissement, non pas à l'Italie ou à la Grèce, mais à la France, à propos du dérapage incontrôlé de ses comptes publics. Enfin, le 2 décembre dernier, l'agence de notation Standard & Poor's a tiré un coup de semonce en plaçant la note de la France sous surveillance négative.

La puissance publique française a décidé de persévérer dans sa gabegie, continuant de multiplier les dépenses et de creuser la dette. Celle-ci a ainsi augmenté de 40 milliards en trois mois, atteignant 2 956,8 milliards au troisième trimestre 2022, près du seuil symbolique des 3 000 milliards.

L'Agence France Trésor indique, dans son programme de financement de la dette française pour 2023, qu'elle lève 300 milliards sur les marchés, dont 270 milliards à moyen et long terme. La France sera ainsi le premier émetteur net de la zone euro ! Le fait, par ailleurs, que la moitié de notre dette souveraine soit détenue par des fonds étrangers devrait vous inquiéter.

Autre divergence : nous estimons que le sujet de préoccupation majeur de tous les Français et de toutes les entreprises, le coût de l'énergie, est insuffisamment pris en compte dans le projet de loi de finances. De fait, en 2023, les tarifs d'électricité et de gaz proposés à nos entreprises seront beaucoup plus élevés qu'en 2022, de sorte qu'elles seront face à un choix délicat : alors que les carnets de commandes sont pleins – toutes nous le disent –, certaines d'entre elles devront cesser ou diminuer leur activité. C'est tout de même un comble que le redémarrage économique qui suit la crise du covid se heurte aux mécanismes des prix de l'énergie ! Je pense aux boulangers, aux bouchers, aux industriels et à tant d'autres, qui seront en difficulté dans quelques mois.

Hier, dans ma permanence, j'ai reçu un chef d'entreprise du secteur de la métallurgie ; nous avons étudié ensemble le mécanisme de soutien dont son entreprise pourra bénéficier. Celui-ci est, certes, significatif, mais, pour l'entreprise, le reste à charge sera multiplié par 2,5 ou 3 : sa facture annuelle d'énergie passera de 140 000 euros à environ 350 000 euros. Par ailleurs, la situation varie d'une entreprise à l'autre, selon la durée et la date d'expiration de son contrat de fourniture, de sorte que leur compétitivité sera affectée de manière différente. Madame la Première ministre, la seule solution consiste à décorréler le plus rapidement possible le prix de l'électricité et celui du gaz, et de sortir du mécanisme européen qui nous entraîne dans une dérive sans nom.

Encore une fois, vous avez refusé toutes les avancées de vos oppositions et du Sénat. Mais les députés Les Républicains ne voteront pas pour autant pour cette énième motion de censure. Nous avons, certes, des divergences avec le Gouvernement, que ce soit en matière de finances publiques, de politique énergétique ou de politique migratoire, mais, je le redis à mon collègue du Rassemblement national, le jour où nous voudrons voter pour une motion de censure, nous la déposerons nous-mêmes, en notre nom.

Ce n'est pas d'actualité jusqu'à maintenant, car l'intérêt du pays demeure notre boussole. En revanche, nous saisirons, dans quelques heures, le Conseil constitutionnel en raison notamment de l'insincérité des prévisions économiques qui sous-tendent le projet de loi de finances, de l'absence de vote de la loi de règlement, du non-respect du droit d'amendement des parlementaires et des injustices qui caractérisent le calcul de la dotation globale de fonctionnement, qui figure à l'article 12.

Avant de conclure, je tiens à remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général pour leur engagement dans une période intense et difficile à appréhender.

Puisque je m'exprime à cette tribune pour la dernière fois en 2022, je forme trois vœux pour l'an prochain. Le premier est que la France puisse rapidement agir au niveau européen pour déconnecter le prix de l'électricité de celui du gaz et éviter ainsi à nos entreprises de sombrer avec des marges négatives.

Le deuxième, madame la Première ministre, est que vous écoutiez les députés Les Républicains : notre démarche est et demeurera celle d'une opposition constructive, soucieuse de servir son pays.

Le troisième est que vous renonciez à l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution et que vous tendiez systématiquement vers le compromis.

En conclusion, je souhaite de tout cœur à chacune et à chacun d'entre vous de très belles fêtes de fin d'année.

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